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vendredi 11 février 2011

La justice n'a-t-elle vraiment pas les moyens de fonctionner ?

Les magistrats doivent rendre des comptes au peuple

Les juges doivent rendre compte devant la justice

Mis en cause par le chef de l’Etat dans le dossier « Laëtitia », les magistrats ont défilé jeudi ici et là en France pour tenter de se disculper et dénoncer une pénurie de moyens. Mais les choses ne sont pas si schématiques entre des magistrats qui dénoncent un manque de moyens et le gouvernement qui souligne les efforts des Français en faveur du budget de la justice. Le gouvernement oppose l’augmentation du budget de la justice ces dernières années aux excuses de la profession et doit faire de l'information face au silence de la presse sur les crédits.
Portrait de magistrat par Nicolas de Largillière (début du 18e siècle, ci-dessus)

La susceptibilité des magistrats est cyclique et son animosité remonte à la réforme de la justice. Elle ne peut donc être imputée aux seuls propos du chef de l’Etat qui, avec les Français, s'est indigné du meurtre barbare de Laëtitia par un multirécidiviste qui n'a pas fait l'objet d'un suivi judiciaire prioritaire.

Un budget qui augmente régulièrement

Manque de moyens ?
Le budget de la justice est en augmentation constante depuis plusieurs années. De 4,69 milliards d’euros en 2002, il est passé à plus de 7 milliards cette année. Une embellie budgétaire commencée avant 2002 .

Globalement, les effectifs ont eux aussi augmenté.
Des chiffres à mettre cependant à mettre en perspective.
Cela étant, le président a souligné hier sur TF1 que "tout n'est pas une question de moyens". Il a d'ailleurs apporté les précisions que les syndicats et la presse ne communiquent pas. Entre 2002 et 2010, le "nombre de magistrats en France est passé de 7.300 à 8.510", soit "une augmentation de 16%", les effectifs de greffiers de 22% et les personnels d'insertion de 143%. Le budget de la Justice est en "augmentation de 4,3%", a-t-il ajouté.

Ce matin, syndicats et media glissent sur ces chiffres.
« La France part de très très loin », explique Benoist Hurel, secrétaire national du SM (Syndicat de la magistrature, fortement marqué à gauche). La France accuse un sérieux retard sur ses voisins européens que les budgets successifs s'emploient à combler. Comme en matière de niveau scolaire, un rapport du Conseil de l’Europe sur les systèmes judiciaires européens (Cepej) datant d’octobre 2010 place la France au 37e rang sur 43 pour son budget consacré à la justice et montre que nous avons 3 procureurs pour 100 000 habitants. A titre comparatif, la Norvège en compte 15,4, la Pologne 14,1 et le Portugal 12,6. Mais Benoist Hurel ne prend pas objectivement en compte leurs attributions dans chacun des paysIl faut prendre ces comparatifs avec recul. On a chacun notre système judiciaire », relativise le sénateur centriste Yves Détraigne.

Le pénitentiaire et le judiciaire se jalousent

La ventilation des crédits à l’intérieur de ce budget ne satisfait pas tous les intéressés.
En 2011, 3,5 milliards ont été alloués à la pénitentiaire. 2,9 milliards aux juridictions, sans compter que les prisons bénéficient principalement des augmentations de postes. Le volet pénitentiaire rafle donc une grande partie des crédits. Une réalité que le député UMP Jean-Paul Garraud justifie par le vaste programme entamé depuis 2002 pour la reconstruction du parc immobilier, avec entre autres la construction de prisons neuves. « On ne va quand même pas nous le reprocher maintenant », s’insurge le député et ex-sous-directeur de l'Ecole de la Magistrature. « Construire une prison et la faire fonctionner au jour le jour coûte une fortune », fait cependant observer Benoist Hurel. « Sous Elisabeth Guigou [parce que Garde des Sceaux dans le gouvernement Jospin], les recrutements en termes de magistrats ont été réels. Des efforts importants ont été portés sur la justice judiciaire », se souvient-il, soulignant le besoin de rééquilibrage.
Concernant le pénitentiaire, on est dans une phase optimale. « L’accent doit être mis sur la justice judiciaire », reconnaît Jean-Paul Garraud, tout en rappelant la nécessité de ne pas négliger le volet pénitentiaire, « avec le problème des suicides dans les prisons » et « des conditions de dignité qui aujourd’hui sont là ».

La situation préoccupante des services de probation et d’insertion

A l’intérieur de l’administration pénitentiaire, des inégalités apparaissent. Les services pénitentiaires de probation et d’insertion (SPIP) – présumés innocents dans l’affaire « Laetitia »- sont mal lotis. « Il ne sert à rien de prononcer des peines si on n’est pas capables de les appliquer. Il faut augmenter les moyens sur les SPIP, c’est clair », admet Jean-Paul Garraud, vice-président de la Commission d'enquête parlementaire sur les dysfonctionnements de la justice lors du procès d'Outreau, dans lequel pour avoir infligé trois de prison à des innocents le juge Burgaud a écopé d'une réprimande et d'une promotion.

. « C’est vrai qu’on a une insuffisance des moyens d’accompagnement et de réinsertion », soutient également Yves Détraigne (MoDem).

Trop de réformes ?



Alexis Ballot-Beaupré
(1836-1917)
1er président de Cour de cassation



Mais le Syndicat de la magistrature lui-même donne la priorité au volet de la justice judiciaire. « Sur le projet de budget 2011, on se retrouve avec 76 postes de magistrats en moins. Sur 8000 magistrats c’est important. [en fait, 8.510...] Le signal est délétère », commente Benoist Hurel.
Le SM n'est pas prêt aux 35 heures et prend au besoin le pénitenciaire en considération après avoir contesté cette priorité. « Il y a une augmentation des missions. La loi pénitentiaire a crée un très grand surcroît de travail. Le traitement en temps réel des procédures a demandé beaucoup de temps et le nombre de procédures a augmenté au niveau pénal », énumère-t-il.
Yves Détraigne, rapporteur au Sénat sur le volet mission justice, est conscient de cette réalité qu'il prend d'ailleurs en compte dans le budget 2011. « Il faut être conscient qu’on accumule les réformes années après années.», observe le sénateur centriste, qui veut s'assurer que les réformes peuvent être financées, à l'annonce de l’idée du chef de l’Etat d’introduire des jurés populaires en correctionnelle. « Dans les tribunaux correctionnels, on fait plus de droit pur que dans les Cours d’Assises. Il va falloir une formation plus poussée », prévient-il.

Les magistrats ne sont pas les premiers concernés

Les syndicats rameutent tous les fonctionnaires de justice
Les magistrats admettent qu'au bout du compte ils ne sont pas les plus à plaindre. Ce ne serait finalement pas tant la question du nombre de magistrats qui poserait actuellement problème que le fait que, selon eux, « ils ne bénéficient pas d’un nombre de greffiers et de collaborateurs suffisant ». « Dans le budget 2011, il y a eu une augmentation importante du nombre de greffiers mais en même temps ça s’est fait au détriment du nombre de greffiers par magistrat », réalise-t-il, dans un souci non négligeable de prosélytisme syndical. Jean-Paul Garraud confirme que ceux qui initient le mouvement de grogne manifestent en fait pour l'amélioration de leurs propres conditions de travail, alors que le pays entier fait des efforts pour passer la crise, sous la menace du chômage que les fonctionnaires de justice n'ont pas à craindre. « Il y a une diminution des agents d’exécution de catégorie C , c’est-à-dire ceux qui font tourner la machine. Ce qui fait qu’il y a un bon nombre de gens de catégorie A ou B qui font des tâches qui ne leur incombent pas », remarque-t-il, pointant un problème assez répandu jusque dans des catégories socio-professionnelles moins privilégiées, en attendant le retour de la croissance.
Pourtant, le député de Haute-Garonne admet qu' « il ne faut pas tout prendre uniquement en terme d’augmentation du budget », mais plutôt « modifier les méthodes de travail et chercher une meilleure gestion On doit pouvoir amorcer ce travail en partenariat avec la justice », estime l’élu UMP (depuis 2002), assez optimiste après un rendez-vous à l’Elysée jeudi matin.

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