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mardi 15 janvier 2013

Mali: les islamistes mobilisent les salafistes de France

Des djhadistes du Mali veulent pouvoir "frapper le coeur de la France."

Le juge d'instruction antiterroriste Marc Trevidic commente ces menaces pour le Nouvel Observateur et tente de rallier l'opinion française à l'entreprise de guerre du gouvernement, fer de lance isolé du combat contre l'invasion islamiste du Mali. L'ingérence française est-elle en train de tourner en opération médiatique accréditant l'idée d' ...auto-défense ?

En octobre, le juge d'instruction antiterroriste Marc Trévidic observait déjà des "frémissements de départs" de djihadistes français vers le Mali, dont le nord est contrôlé par des groupes islamistes armés. Après que François Hollande a décidé, vendredi dernier, de lancer l'intervention des forces françaises au Mali, sans consulter le Parlement, "le Nouvel Observateur" a questionné Marc Trevidic, lundi 14 janvier.

Certains responsables djihadistes affirment qu'ils vont "frapper le cœur de la France". Qui sont-ils et quel crédit donner à leurs menaces ?
- Ce sont les chefs des groupes locaux au Mali qui font, à mon avis, plus un appel aux djihadistes ou aux salafistes en France pour essayer de faire quelque chose qu'ils n'ont pas réellement la possibilité d'organiser eux-mêmes. C'est pour cela qu'ils diffusent cela dans la presse et sur Internet. C'est un message, une manière de dire "la France est notre ennemie. Tapez là", mais ce n'est certainement pas eux qui, actuellement, sont capables d'organiser quoi que ce soit depuis le Mali.
Ils s'adressent finalement à leurs sympathisants sur le territoire français. Il ne faut pas croire qu'ils puissent eux-mêmes organiser vraiment quelque chose alors qu'ils sont en pleine guerre, qu'il y a des frappes françaises, etc. Il y a déjà pour l'heure suffisamment de problèmes à résoudre au Mali. Pour organiser l'exportation du terrorisme sur un autre territoire, il faut être un groupe puissant et disposer d'un peu de temps. C'est très compliqué et donc, trop tôt pour l'instant. C'est surtout un appel à la "bonne volonté" de leurs sympathisants sur le territoire français.
De quels "sympathisants" s'agit-il ?
- Ceux qui, simplement, partagent leur idéologie. On a quand même des groupes qui se sont constitués et ont déjà envoyé certains de leurs membres au Mali. Ce sont ces gens-là auxquels on demande de faire quelque chose puisqu'ils ont montré une sympathie pour le djihad au Mali.

Hollande a déclaré que la France n'avait "pas d'autre but que la lutte contre le terrorisme". Le Directeur général de la police nationale, Claude Baland, dit que la menace est "réelle." Et le plan Vigipirate a été renforcé. Qu'en penser ?
- Le plan Vigipirate est un élément parmi d'autres qui permet de renforcer les contrôles et d'éviter des actes isolés comme celui d'une personne qui passerait à l'acte sur un coup de tête. Mais on sait très bien que la vraie lutte contre le terrorisme se fait par la surveillance des groupes ou des groupuscules qu'on a déjà repérés et dont on sait qu'ils peuvent être potentiellement dangereux. On sait que cela fait plusieurs mois que les services français se sont occupés d'essayer de voir dans les groupes salafistes ceux qui ont des connexions avec le Mali et qui pourraient éventuellement passer à l'acte. Ce travail a déjà été fait en amont en grande partie.
[Il est toutefois paradoxal qu'une ancienne puissance coloniale puisse intervenir sans mandat de l'ONU ni vote parlementaire, et qu'aussitôt une ou plusieurs associations ne s'insurgent ! Le Mouvement de la Paix s'est-il manifesté ? A gauche, Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche) a jugé "discutable" l'intervention de l'armée française, tout comme Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière)]

Où en est la surveillance d'Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) au Mali depuis l'affaire Merah ?
- Aqmi est tout de même un peu en retrait au Mali. Ce sont en grande partie des Algériens qui regardent un peu ça de loin. Les groupes locaux, Ansar Dine et Mujao, sont beaucoup plus actifs et composés de population locale, des Sénégalais et des Nigériens. Des messages de menaces contre la France comme celui que vous avez cité ("frapper le cœur de la France", ndlr), Aqmi en fait depuis longtemps. Ça n'a rien de nouveau. Ce qui est nouveau, en revanche, c'est que ces messages viennent à présent également de ces autres groupes qui sont beaucoup plus locaux et sont plus, quelque part, des scissions d'Aqmi.
Aqmi est notre ennemi depuis longtemps. Droukdel (Abdelmalek Droukdel, chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, ndlr) a plusieurs fois menacé la France dans des termes à peu près identiques, notamment après la mort de Germaneau (humanitaire français tué en 2010 qu'Aqmi a annoncé avoir exécuté, ndlr). Il faut se souvenir qu'il avait dit "qu'on allait le payer, qu'on creusait nos propres tombes", un langage qu'on retrouve à présent dans la bouche d'autres groupes.

Vous avez évoqué dans une interview au "JDD" un dossier qu'on vous a confié concernant trois jeunes Français de 20 ans voulant aller faire le djihad en Afghanistan et au Mali. Des jeunes Français partent-ils faire le djihad au Mali ? Sont-ils nombreux ?
- Oui, il y en a, mais de là à dire qu'ils sont nombreux... Il y a surtout des petits groupes qui se créent avec des gens qui veulent faire le djihad et ne savent pas la destination qu'ils vont prendre. Maintenant ils le savent. Ils ont voulu aller au Yémen, et finalement leur choix se porte sur le Mali parce qu'on leur a dit "ça y est la charia y est appliquée" et que le Mali allait être attaqué, c'est pour ça qu'il y a cet attrait pour le Mali. Il y a toujours une volonté de faire le djihad quelque part, mais les endroits changent; il y a des lieux de djihads "à la mode", pour différentes raisons. Aujourd'hui, c'est le Mali. Hier, c'était le Waziristan [région montagneuse du nord-ouest du Pakistan]. Ça se déplace, en touchant finalement la même population extrémiste qui veut aller à tout prix faire son djihad.
[Ainsi la France se désengage-t-elle à grands frais de l'Afghanistan pour engager nos forces vives au Mali. Pour Hervé Gattegno dans Le Point, " Non, il n'y a pas de guerre sans arrière-pensées ! " et l'intervention militaire lancée par Hollande au Mali contre les islamistes a pour but de maintenir l'influence française en Afrique. Plutôt que du risque d'enlissement, la classe politique considère que François Hollande, chef de guerre, pourrait être le seul bénéficiaire de cette intervention militaire]

 Il s'agit donc de petits groupes isolés ?

- Ce sont en effet de petits groupes. On n'a pas détecté aujourd'hui de grosses structures en lien avec le Mali. Tout cela est beaucoup trop neuf. Ça va vraiment très vite. Il ne s'est pas mis en place de filières très sophistiquées. C'est plus l'initiative de petits groupes de copains.

Comment sont recrutés les djihadistes qu'on peut trouver au Mali ?
- Le milieu ambiant compte toujours, les amis que vous avez autour de vous dans des milieux plus ou moins salafistes. Il y a aussi Internet, et cette propagande très fine qui montre des images de musulmans victimes, des images de guerre à la gloire des moudjahidines... Le choc de l'image est très important pour les jeunes, notamment pour les mineurs. Après, si on voit qu'ils vont souvent sur ces sites, ils seront contactés par messagerie privée, et on verra jusqu'où on peut les embrigader. C'est un peu la voie royale aujourd'hui.
Où en est-on en matière de lutte contre le terrorisme et particulièrement par rapport au Mali ?
- L'idée a été de se dire que si ces groupes djihadistes et leur idéologie très violente prenaient Bamako, une ville de 2 millions d'habitants, ils seraient indélogeables. Il fallait donc aller plus vite. Maintenant, on a au moins l'impression que la partie est engagée, qu'on maîtrise quand même plus ou moins ce qu'il se passe. Du travail a été réalisé en amont sur le territoire français, donc on n'a pas l'impression pour l'instant d'être débordés. Maintenant, l'avenir nous dira leur degré de résistance, leur degré de réponse à cette situation-là. On ne peut pas trop prévoir comment ça peut tourner.

Au final, le juge anti-terrorisme ne livre aucune information nouvelle et utile: l'entretien ne sert qu'à justifier l'interventionnisme français mais le Nouvel Observateur participe ainsi au formatage de l'opinion française.
Un sondage devrait suivre...

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